La Colombie est constitutionnellement un pays pluriethnique et multiculturel qui doit répondre aux besoins d'une population bien différentiée dans les divers territoires qui constituent la nation. Dans cette optique, le Ministère de l'Éducation Nationale de Colombie (MEN) a invité, depuis les années 90, les établissements éducatifs (EE) et la communauté éducative (CE) à réfléchir et adapter les contenus et programmes éducatifs, afin de répondre aux particularités linguistiques, culturelles et environnementales des populations.
Cette communication nous permettra de montrer la manière dont nous avons adapté le concept de « qualité de vie digne chez les populations » élaboré par JESSUP (2011) et applicable dans le domaine éducatif. Nous nous sommes focalisés sur la notion bienêtre par rapport à la satisfaction de besoins en interdépendance avec l'environnement dans un territoire rural en Colombie. Notre étude de terrain et recherche-action a été effectué dans la zone de haut de Sumapaz, c'est là-bas où nous avons constitué une typologie de territoire « sensible » (au sens où l'entend A. VULBEAU (2007) dans la lignée de la sociologie du sensible de Pierre Sansot) par sa position bio-géostratégique, la richesse et fragilité de son écosystème, le manque de consignation d'une mémoire historique, la stigmatisation vécue en tant que zones de haute vulnérabilité sociale. Ce territoire a de surcroît une grande difficulté à rendre viable une formation scolaire adaptée et encore moins répondre aux demandes de la politique nationale d'éducation environnementale
L'équipe interdisciplinaire gérée par Jessup a conceptualisé la qualité de vie, le développement humain intégral (DHI) et la formation intégrale comme des processus multidimensionnels et complexes qui requièrent d'une perspective de développement à échelle humaine (MAX NEFF, 1996). Les sujets requièrent d'un optimum de bienêtre donc ils doivent être accompagnés dans la réflexion autour de comment satisfaire leurs besoins à partir d'un travail systémique. Il faut identifier, avec eux, ce qui leur manque pour avoir cet optimum de qualité de vie sans dénigrer la relation intrinsèque homme- environnement. En conséquence, on requiert d'une approche sensible et des professionnels engagés à travailler pour libérer, systématiser et valoriser la parole des communautés. Il s'agit, pour nous, non seulement de remettre en question le concept de “besoin”, travaillé dans les études de qualité de vie, mais encore de voir son application pratique dans le champ éducatif par le biais des projets pédagogiques.
La zone de Haut de Sumapaz est située à 3300 mètres d'altitude dans la montagne des Andes, avec un écosystème fragile de páramo et une population paysanne minifundiste. L'éducation est centré sur une pédagogie par projets productifs focalisé sur la rentabilité et une politique d'assistanat. Notre objectif était d'améliorer un projet de classe en invitant la population à réfléchir sur la pertinence du même par rapport à la satisfaction de leurs besoins et de faire un travail de dimension environnementale. Nous étions convaincues que la CE pourrait donner de la pertinence aux projets environnementaux si elle réalise que l'environnement est un système dynamique, pleine d'interrelations entre les facteurs physiques, biologiques, sociaux et culturelles. Il nous a fallu de proposer un travail coopératif qui a abouti dans un travail de co-formations. Ce travail a servi à montrer l'importance de lier la qualité de vie liée à l'action pédagogique par le biais des projets de classe. Libérer la parole de la communauté, trouver des nouveaux mécanismes pour réfléchir à satisfaire de manière synergique les besoins et penser des nouvelles perspectives locales ont été trois point fondamentaux à appliquer. L'adaptation de contenus scolaires a servi à faire un apprentissage significatif aux élèves et sensibiliser la CE à l'utilisation des ressources naturels, bien et services entre autres. Ainsi qu'à la création d'une possible économie solidaire.
La restitution de résultats à la CE a rendu possible la réflexion autour d'un projet sur l'environnement de nature systémique, qui veut répondre au bien être de la population à partir d'une réponse aux besoins locaux actuels. Des nouvelles formes de participation ont surgi qui donnent sens à une possible réorganisation scolaire dans la nouvelle période du post conflit qui a commencé en Colombie en novembre 2016. Ce travail pratique montre des résultats concrets issus de la conceptualisation de qualité de vie faite par Jessup. Nous considérons que le travail sur le terrain aide à créer un climat de confiance et d'écoute ce qui constitue pour nous un préalable avant de mettre en place des projets dans ces territoires. Ainsi, nous envisageons d'apporter de nouveaux éléments dans le champ de l'éducation et de la formation qui contribuent à diminuer les politiques d'assistanat ou les projets pensés sur la production et la rentabilité qui peuvent causer des dégâts environnementaux à long terme.
Bibliographie
Jessup M., Pulido de Castellanos R., León J. (2011). Capítulos « Cómo vemos el mundo ». En el libro de investigación: Representaciones sociales de maestros rurales sobre el ambiente. Investigaciones desde la calidad de Vida y el Desarrollo humano integral. Bogotá. CB Editores. Colciencias –Universidad Pedagógica Nacional 220 pags Pp 11-74 ISBN : 978-958-8650-18-0
Max Neff et al (1996) Fundación Dag Hammarskjold, CEPAUR. Desarrollo a escala humana: una opción para el futuro. Proyecto editores: Medellín Colombie
Vulbeau Alain (2007), « L'approche sensible des quartiers “sensibles”. Une posture de proximité», Informations sociales 5/2007 (n° 141) , p. 8-13
URL : www.cairn.info/revue-informations-sociales-2007-5-page-8.htm
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