Hélène VANDELLE
Docteure en sciences de l'éducation
Rattachement :
Équipe Crise, école, terrain sensible
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Le bien-être dans l'éducation, une question d'estime de soi et de sentiment d'efficacité personnelle ?
Cette communication propose une approche théorique du bien-être dans l'éducation, un bien-être qui serait le produit de l'amélioration de l'estime de soi et du sentiment d'efficacité personnelle. Seront abordées des pratiques qui en permettent l'opérationnalisation en contexte scolaire. Les éléments proposés émanent d'une recherche[1] sur les pratiques pédagogiques d'enseignants accueillant des élèves qui présentent un mal-être dû à un déficit de confiance en leurs capacités personnelles et en eux-mêmes. La recherche qualitative a confirmé l'hypothèse de pratiques professionnelles qui prenaient appui sur les principes du développement de l'estime de soi et du sentiment d'efficacité personnelle pour remettre des élèves en situation de réussite mais aussi en situation de développement personnel, d'insertion sociale et professionnelle.
I – L'estime de soi
Le sentiment de valeur personnelle est considéré comme un indicateur de bien-être psychologique. De nombreuses théories lui accordent le rôle de principal régulateur de fonctionnement de soi. Á l'adolescence, la question de la valeur de soi prend du sens, la nature des aspirations change, l'environnement social d'un adolescent s'élargit.
Les sujets à bonne estime personnelle ont une meilleure maîtrise d'eux-mêmes. Ils se laissent moins contaminer par les émotions négatives. Plus hermétiques au jugement, ils sont davantage en prise avec les objectifs fixés. Les échecs sont vécus comme des étapes transitoires et des expériences participant à l'élaboration de choix. Ces individus ont une attitude plus offensive face à l'existence : ils prennent davantage de risques, d'initiatives. Ils vont explorer des environnements plus variés et mieux trouver leur voie, au prix de quelques revers. Cette attitude active contribue à la mise en place de stratégies qui concourent à l'accomplissement personnel et à l'aboutissement des projets. Une bonne estime de soi est associée à des comportements plus adaptés comme la recherche de soutien social, une relative confiance dans l'avenir, des capacités de remise en question, une confrontation active à la réalité.
Bariaud et Bourcet ont mis en évidence une baisse sensible de l'estime de soi aux alentours de 15 ans et une tendance plus nette à la dépréciation chez les filles. Les scores des garçons sont en moyenne supérieurs aux différents moments de l'adolescence. Ils émettent l'hypothèse d'une socialisation qui inciterait les garçons à s'affirmer, à vivre de façon indépendante.
Un programme d'amélioration de l'estime de soi a été expérimenté au Québec dès 1991 pour favoriser la motivation aux apprentissages, prévenir les difficultés d'adaptation et créer un climat de bien-être à l'école. Le projet éducatif est basé sur le développement des cinq sentiments composant l'estime de soi : la sécurité, l'identité, l'appartenance, la détermination et la compétence. Les activités développent l'un, l'autre ou tous les sentiments. Une évaluation de l'impact des interventions éducatives a été réalisée, les résultats sont concluants. Le climat de l'école est plus harmonieux, plus serein.
II – Le sentiment d'efficacité personnelle
Selon Bandura, il constitue le facteur clé de l'action humaine. Le sentiment d'efficacité personnelle est « le fondement de la motivation, du bien-être et des réalisations humains », celui, aussi, de l'agentivité humaine (human agency).
Ce sentiment interviendrait dans le processus de régulation des conduites.Il a une « influence sur la façon dont on pense, de façon productive, dévalorisante, optimiste ou pessimiste, sur la motivation et la persévérance face à l'adversité, sur la vulnérabilité au stress et à la dépression ». Il « prédit les buts que les gens se fixent et les performances qu'ils obtiennent ». Les croyances d'efficacité contribuent significativement à la performance scolaire, influent sur le développement des compétences cognitives par le biais de la croyance des élèves en leur efficacité à maîtriser différentes matières scolaires. Un sentiment d'efficacité positif favorise non seulement la réussite scolaire mais aussi des relations sociales satisfaisantes et un développement émotionnel positif.
Dans l'étude que j'ai menée, et contrairement à l'estime de soi, la mesure d'auto-efficacité laisse supposer un avantage pour les filles.
Le sentiment d'efficacité personnelle est favorisé par les méthodes interactives d'apprentissage entre pairs, l'attention portée aux progrès, l'acquisition graduelle des compétences, la responsabilisation, l'autodétermination et l'évaluation comme moment d'échanges pour améliorer ses compétences.
Bibliographie :
Bandura A., Auto-efficacité Le sentiment d'efficacité personnelle, (Edition originale 1997), Traduction de Lecomte J., Bruxelles : Edition De Boeck Université, 2003.
Bourcet C., « Valorisation et dévalorisation de soi en milieu scolaire : pour une approche psychopédagogique humaniste », Revue L'Orientation scolaire et professionnelle, 26, n°3, 315-333, 1997.
Harter S., “Processes underlying adolescent self-concept formation”, in R. Montemayor G. R., Adams & T. P. Gullota Eds, From childhood to adolescence: a transitionnal period, Newbury Park, CA: Sage, 1990.
Reasoner W. R., Building self-esteem in elementary schools. Administrators guide, Palo Alto, CA: Consulting Psychologists Press, 1994.
Education et Formation, n°72, Les représentations des élèves du panel 1995 sept ans après leur entrée en 6ème, (Enquête jeunes, 2002), Estime de soi et réussite scolaire sept ans après l'entrée en 6ème, septembre 2005.
[1] VANDELLE H., (thèse sous la dir. HUGON M. A.), Estime de soi et sentiment d'efficacité personnelle comme facteurs de réussite scolaire : une étude en lycée professionnel (2011).