Evaluation de pratiques des enseignants au collège visant à développer la présence attentive en vue d'une amélioration du climat de classe et du bien-être
Rebecca Shankland  1, *@  , Emmanuelle Lebarbenchon  2@  
1 : Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie, Université Grenoble Alpes  (LIP/PC2S)
Université Grenoble Alpes
1251 avenue centrale 38000 Grenoble -  France
2 : Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie,  (LIP/PC2S)
Université Savoie MontBlanc
Université Savoie Montblanc Site Jacob-Bellecombette -  France
* : Auteur correspondant

Introduction

Dans le champ de la recherche en éducation, les travaux sur la prévention du mal-être à l'école ont prédominé pendant près de 40 ans, mais depuis une dizaine d'années la littérature sur la promotion du bien-être s'est considérablement développée (pour une revue, voir Dawood, 2013). Cette évolution des conceptions traduit l'idée que la santé mentale n'est plus seulement considérée comme étant l'absence de mal-être ou de troubles, mais comme relevant également d'indicateurs positifs du bien-être. Ce changement d'objet de recherche coïncide avec l'avènement de la psychologie positive qui s'intéresse aux spécificités du fonctionnement humain optimal, et aux mécanismes qui conduisent à une adaptation réussie, à la résilience et au bien-être (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000). Cette orientation de la psychologie porte sur l'étude des conditions et des processus qui contribuent à l'épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions. En d'autres termes, la psychologie positive s'intéresse aux dimensions individuelles, aux relations et aux contextes qui favorisent un bien-être durable, malgré les événements de vie difficiles et les obstacles que l'on peut rencontrer au quotidien.

Dans le cadre de la psychologie positive, essentiellement quatre types d'interventions ont été expérimentées à l'école dans le but de promouvoir le bien-être des élèves, tout en améliorant leurs performances scolaires : (1) le développement de la présence attentive, (2) l'identification et l'utilisation des compétences personnelles et collectives, (3) l'orientation de l'attention vers les aspects satisfaisants du quotidien, et (4) le développement de la coopération (pour une revue, voir Shankland & Rosset, 2016).

L'entrainement à la présence attentive consiste à porter son attention sur un point de focalisation tel que la respiration et à prendre conscience du moment où les distractions internes (pensées, émotions, sensations) ou externes (un bruit, un mouvement) font perdre le point de focalisation. L'objectif est d'être capable de prendre davantage conscience de ce que fait l'attention et de pouvoir la rediriger vers le point de focalisation. Ce type de pratique permet d'améliorer la concentration et la régulation des émotions. En effet, au cours des pratiques, des émotions peuvent émerger et l'entrainement consiste à les percevoir, sans y réagir automatiquement comme l'on aurait tendance à le faire.

Parmi les différentes études réalisées dans les établissements scolaires, une étude (Napoli et al., 2005) incluant 97 élèves ayant bénéficiés d'une intervention développant la présence attentive a montré des effets sur trois dimensions essentielles : le bien-être, les relations et les performances scolaires. Comparativement à 97 autres élèves n'ayant pas bénéficié de l'intervention, ceux qui avaient participé au programme présentaient une diminution significative du niveau d'anxiété et une amélioration significative des compétences sociales et des capacités attentionnelles. Cette recherche montre ainsi que ce type d'intervention développe des compétences favorisant le bien-être des élèves de même que leur réussite scolaire.

L'une des hypothèses formulées à l'égard de l'efficacité de ce type de pratique dans les classes porte sur le changement de relation enseignant-élève. L'enseignant qui pratique lui-même la présence attentive dans sa classe est amené à modifier son style interactionnel et parvient à créer un environnement plus propice à répondre aux besoins psychologiques dits fondamentaux tels que définis par Deci et Ryan (2001) dans la théorie de l'autodétermination : sentiment de compétence, sentiment d'autonomie et sentiment de connexion sociale.

Méthode

Nous avons formé 10 enseignants de différents établissements scolaires (collèges et lycées) qui ont été formés à des pratiques simples de présence attentive qu'ils ont d'abord pratiqué pour eux-mêmes puis proposé dans des classes expérimentales (15 minutes en début de chaque cours, à raison de 2 ou 3 cours par semaine) pendant deux mois. Au total, 825 élèves ont été inclus dans le protocole de recherche, les classes expérimentales ayant été tirées au sort et comparées à des classes dans lesquelles l'enseignant intervenait mais sans proposer de pratiques de présence attentive en début de cours.

Résultats

L'intervention a amélioré significativement la présence attentive des élèves (questionnaire CAMM) des classes expérimentales. Cette amélioration a permis une meilleure satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux qui constituent des déterminants majeurs du bien-être et de la motivation. L'intervention apparait comme plus efficace pour des élèves en ajustement avec un nouvel environnement scolaire (classes de 6ème ou 2nde), et pour des élèves présentant un profil de faible bien-être psychologique et scolaire. Enfin, l'on constate un impact de la fréquence des interventions par semaine sur les variables mesurées.

Discussion

Un nouveau protocole sera mis en œuvre en indiquant une fréquence minimum de 3 séances par semaine. Les classes de 6e seront visées en priorité. Les mêmes enseignants seront recrutés pour cette expérimentation dans le but de consolider leur expérience et par là augmenter peut-être encore l'efficacité de l'intervention.


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